Iran encore, très beau manifeste et analyse politique d'Ann Pak

Voici ci-après le texte de notre valeureuse Ann Pak.

N'oublions pas nos copines enfermées en Iran, dont Zeinab Jalalian, 27 ans, célibataire (et quand on sait à quel point c'est difficile de rester célibataire en Iran!), condamnée à mort et dont l'appel à été rejeté et toutes les lesbiennes + ou - cachées ou toutes les autres défenseuses des droits des femmes emprisonnées, torturées et condamnées à de longues peines pour ce seul prétexte de défendre les femmes, risquant mutilations (ablation des pieds et des mains) ou cruxifiction et peine de mort bien sûr, sans compter les tortures gratuites ne faisant pas vraiment partie des peines officielles mais souvent assénées en prison comme le viol, l'affamement, la bastonnade et autres délices, je cite ici encore Hana Abdi et Ronak Safarzadeh, célibataire aussi http://www.amnestyinternational.be/doc/article12064.html, membre de l'organisation de femmes Azar Mehr de Sanandaj, condamnée à 6 ans de prison pour avoir fait signer des pétitions pour l'égalité hommes-femmes.

Voici un lien en anglais dénonçant les violences faites aux militantes féministes en Iran :

http://www.amnesty.org/en/library/asset/MDE13/018/2008/63dd8933-e16d-11dc-9135-058f98b1fb80/mde130182008eng.pdf

N'oubliez pas Amnesty International, et son combat pour les femmes et les lesbiennes, en français, renseignements sur www.isavelives.be

TEXTE D'ANNE PAK :

La solitude du peuple iranien !

Secourons, soutenons la lutte d’un grand peuple assoiffé de liberté !

Sans doute le régime islamiste d’Iran est l’un des régimes les plus armés et sanguinaires au monde. Sans doute le peuple iranien est-il l’un des peuples les plus courageux de la planète. Ce courage n’a rien de génétique, c’est une soif naturelle de liberté et de démocratie après 30 ans de diktat islamiste.

Depuis plusieurs mois, si les femmes et les hommes des pays libres retiennent leur souffle et admirent le courage des femmes et des hommes en Iran, en revanche, dans ces mêmes pays, les pouvoirs et la plupart des partis politiques demeurent les témoins indifférents des luttes en Iran.

Les plus hautes autorités iraniennes menacent de mort « les contre-révolutionnaires ennemis de la révolution islamique et les mécréants ». Les rues sont quadrillées par des milices et des hommes armés portant leurs munitions de façon visible comme en temps de guerre. Les Iraniennes et Iraniens, conscients de la cruauté d'un régime armé jusqu’aux dents et lucides face au péril, défient et attaquent cependant sans relâche le fondement du régime islamique, avec la force d'érosion des vagues océaniques.

Si reprendre possession de « sa voix » fût la première motivation pour descendre dans la rue, aujourd’hui les revendications portent vers d'autres aspirations : la fin de l’Etat islamiste, la liberté et la démocratie.

Grâce à la richesse du pays, le régime s'est doté de technologies sophistiquées de censure : en juillet il a acheté à Zimnse des appareils permettant de couper toutes les communications téléphoniques portables pendant les révoltes de la rue. Aujourd’hui, même les cabines téléphoniques ne fonctionnent plus pendant les manifestations. Par moment les informations circulent de bouche à oreille. Les rendez-vous des manifestations sont écrits sur des billets. Afin d'isoler les Iraniens du reste du monde, les signaux satellites des chaînes étrangères sont parasités et totalement inaccessibles. Les Iraniens ne peuvent avoir accès qu’aux médias internes aux ordres du régime.

Pourquoi les peuples du Moyen-Orient dorment-ils pour la plupart dans l’indifférence vis-à-vis de leurs régimes dictatoriaux ou corrompus, quand le peuple iranien, en 30 ans, a déjà accompli deux révolutions ? Que veut ce peuple ? Et pourquoi les pays occidentaux restent-ils indifférents ?

Il y 30 ans, lorsque les Iraniennes et Iraniens se sont révoltés, ils voulaient tout sauf le Shah.

Et les pays occidentaux, vivant dans la crainte et l’obsession du communisme, soutenaient tout sauf le communisme pour l’Iran, pays trop voisin de l’URSS.

Ce « tout » fut Khomeiny pour les uns et les autres. Le peuple iranien n’avait pas encore expérimenté l’islamisme d’Etat. Et les pays occidentaux voulaient faire barrage au communisme.

En 1979 en Iran, selon la Constitution, les femmes jouissaient de droits comme l’autorité parentale partagée, le droit au mariage ou au divorce sans l'autorisation du père…

Les femmes n’étaient pas traitées comme des perpétuelles mineures et aliénées. C’est pourquoi d’ailleurs, lorsqu’en mars 1979, Khomeiny obligea les femmes à porter le voile, elles furent des milliers à descendre dans la rue et à crier « Nous n’avons pas fait la révolution pour voir nos droits en régression ! » ou « La liberté est ni orientale ni occidentale, elle est universelle ».

Aujourd’hui, la société dans son ensemble en a « ras-le-bol » de cet Etat théologique. Si à l’aube du régime islamique, ce fûrent des femmes qui descendirent dans la rue, aujourd’hui ce sont surtout ces populations nées et éduquées sous le régime islamique qui ne supportent plus l’islam étatique.

Il n’est pas anodin que la révolte vienne juste après les élections. Car la « république islamique » porte en soi une contradiction et une tension irréductible. Une république ne peut pas être islamique, car cela signifierait et exigerait la soumission des individus au divin et des humains aux dieux.

Le peuple iranien cherche à se débarrasser de l’Etat des ayatollahs. Les Iraniennes et Iraniens ne veulent plus cette fois remplacer ce régime par n’importe quel régime. Leur espoir pour la démocratie n’a pas de guide ni de leader.

Il ne faut pas oublier que depuis 30 ans, le régime a systématiquement éliminé ses opposants. Surtout ceux qui étaient censés devenir des leaders. Les exécutions, les assassinats, les accidents déguisés, la terreur… sont les pratiques habituelles de ce régime. L’assassinat de Shapour Baktiar en plein Paris ne fût qu’un parmi d’autres.

Moussavi, l’adversaire d’Ahmadinéjad, est entraîné par le peuple dans cette révolte. Mais ni Moussavi ni sa couleur verte et son idéologie n’incarnent d'une quelconque façon le peuple iranien ou sa révolte. Le peuple, face à un régime tyrannique, barbare et violent, utilise sans illusion de telles stratégies de lutte pour avancer d’une part et pour préserver la vie de ses jeunes d’autre part.

Tout comme la fraude électorale a servi d’alibi à sa révolte.

Les slogans des femmes et des hommes de la rue, jour après jour, deviennent la vraie expression de leurs revendications. A mesure que le régime se durcit et sème la terreur par tous les moyens, les revendications se radicalisent. « Mort au dictateur » laisse la place à « mort au guide suprême » et à « mort à un régime islamiste » : slogan inimaginable à entendre sur la place publique il y a encore un an.

Ce mouvement n’a pas de leader. Les vrais leaders sont les femmes et les hommes de la rue, amoureux de la liberté, déterminés à vivre sans lois divines.

Tous les jours, ils inventent un moyen d’avancer vers une société laïque qui passe forcément par la disparition et le renversement du régime islamique.

Forces démocratiques, soutenez la détermination du peuple iranien en quête de la liberté et de la démocratie !

Il y aura d’autres dates encore dans la longue marche du peuple iranien vers la démocratie.

Par exemple le 11 février, « 22 bahman », anniversaire de la révolution de 1979 où l’islamisme de Khomeiny a pris le pouvoir ?

Alors, ce 11 février 2010 sera-il la fin de cet islamisme en Iran ?

Cela dépend -aussi- de votre soutien.

2 janvier 2010 AP